« Dialogue politisé » entre un père et son fils

« Dialogue politisé » entre un père et son fils

Le Fils : Papa, c’est quoi la politique?

Le Père : Euh ?… La Politique ?

Le Fils : Oui ! On montre souvent à la télé des gens qui sont autour de la table et discutent beaucoup, parfois sans même s’écouter. Et quand j’ai demandé à un de mes amis à l’école, il m’a dit que ce sont tous des po-ti-li-ciens et qu’ils font de la « Potilique ». Tu comprends ?

Le Père : Ah ok, fiston ! Je comprends bien ce que tu veux dire. Tu veux dire, « la po-li-tique » ?

Le Fils : Oui, c’est ça ! La po-li-ti-que ! C’est quoi même ?

Le Père : Je peux te poser une question, avant de te répondre ?

Le Fils : Oui.

Le Père : Qui vois-tu tous les jours?

Le Fils : Tous les jours,  je me réveille et je vois plusieurs personnes et plusieurs choses autour de moi.

Le père : Comme qui et comme quoi ?

Le Fils : Maman, toi, grand-père, grand-mère, les tantes, les cousins, les voisins, les camarades, les copains, les copines, les maîtres,  et tout le monde !

Le Père : Très bien ! Moi aussi, je vois des professeurs, des passants, des collègues de travail, des stars, des dirigeants, des ministres, le président et tous les autres ! Et à part ces personnes que vois-tu dans la rue ?

Le Fils : des maisons en ciment ou en baraque, des voitures, des écoles, des immeubles où c’est écrit « télévision », des supermarchés, des stations d’essence, des charrettes, des chevaux, des jakarta, des scooter, ou encore de grands « building » où c’est marqué « ministère de…. Bla bla bla»  et tout. Je vois aussi que tout le monde bouge, va et vient, part et revient, parfois avec des sacs remplis, parfois les mains vides. Je vois  d’autres comme moi aller à l’école. Certains prennent des «tata », minis ou grands, d’autres prennent des « rapides » ou « ndiaga ndiaye », d’autres marchent d’autres encore sont confortablement assis derrière un taxi ou une voiture particulière que conduit leur papa, leur maman ou quelqu’un d’autres que mes amis  appellent « chauffeur ». Je vois aussi passer des « clando » : ces vieilles voitures qui dégagent une grande fumée derrière. Je vois aussi passer de jolies voitures, parfois escortées par de jolies motos avec des sirènes qui demandent à tous les autres de céder le passage. Et d’autres personnes de ton âge, ou celui de maman, ou de grand-père et de grand-mère, se pointer sous les feu-rouges ou sur le trottoir pour demander de l’argent. A coté, je vois des arbres, des terrains « nus », des usines où l’on fabrique des choses, de grands bâtiments  où entrent et sortent beaucoup de personnes, sous la supervision de quelqu’un qui porte, pour la plus part des cas, un uniforme et qu’on appelle : le gardien.

Le Père : Mais super ! Tu prêtes attention à tout cela ?

Le Fils : Evidemment ! Je les vois tous les jours. Et l’image qui me frappe le plus et que je n’arrive jamais à supporter c’est quand je vois les « talibés » portant des haillons, se faufiler entre les véhicules pieds nus, pour demander à manger. J’ai toujours les larmes aux yeux quand j’en parle. Et seulement, si j’avais les moyens de les amener tous avec moi à l’école ! Je te l’ai toujours dit, non ?

Le père : Oui ! Tu as toujours partagé avec moi ta peine de voir ces talibés. C’est parce que tu as un esprit politisé, Fiston !

Le Fils : « Politisé » ? Comment ? Tu veux dire que quand je serai grand, je deviendrai comme ces gens qui ne s’écoutent pas autour de la table ? Un politicien ?

Le père : Non, mon fils. La politique n’est pas un métier. C’est juste une noblesse d’esprit. J’ai remarqué que tu prêtes attention à ce qui se passe autour de toi et tu me parles toujours des tes grandes ambitions et de tes « rêves » pour les talibés et pour ton pays.

Le Fils : C’est ça la politique ? Prêter attention à ce qui se passe autour de soi, avoir de grandes ambitions et des rêves pour son pays ?

Le Père : C’est aussi simple que cela.

Le Fils : Mais Papa, tout le monde est « politisé », alors. A l’école, presque tous mes amis sont comme moi. Certains, comme Youssoupha disent qu’il y a des gens qui volent l’argent qui appartient à tous et qu’ils vont les arrêter quand ils seront grands. Je me demande même comment de l’argent peut appartenir à tout le monde ! Mais buff, c’est ce qu’ils pensent ! D’autres comme Josephine voudront s’occuper des hôpitaux car il y a beaucoup de personnes qui meurent dans ces lieux. Le plus rigolo parmi nous, c’est Madiodio, il ne pense qu’à manger.  Pour lui, ce qui est important, c’est que tout le monde doit manger à sa faim. Et ce sera son combat. Quelle ambition !  Quant à ma petite sœur Aicha, bien que toujours scotchée  à son Smartphone, elle pense que le quartier est très sale et que les gens devaient cesser de jeter des ordures et de faire n’importe quoi dans la rue. Elle me promet de faire quelque chose avec ses autres amis, garçons comme filles pour que le quartier soit mieux vivable.

Le Père : Bravo ! Je suis fier de vous tous ! Et vous devez être fiers de vous-mêmes car vous pensez aux autres. Et vous avez raison ! Ce n’est pas le cas pour tout le monde.

Le Fils : Ah oui ? Y a des gens qui ne pensent pas aux autres ?

Le Père : Oui, énormément. Ils y’en a qui ne pensent qu’à eux-mêmes et qui croient qu’ils peuvent « réussir » leur vie, sans se soucier de ce qui se passe autour d’eux. Ils ignorent que leur destin est étroitement lié à celui de tous les autres.

Le Fils : Papa, ce n’est pas possible qu’ils ignorent cette évidence. Ils savent pertinemment que, comme les manchots de la Banquise, il y a une alerte qui est annoncée et que tout le monde doit s’y mettre pour trouver une solution. Comment peuvent-ils rester aussi égoïstes en adoptant la pire des attitudes : l’indifférence ?

Le Père : Oui, tu as raison mon fils. L’indifférence est la pire des attitudes. Nous devons toujours être préoccupés par le sort collectif.

Le Fils : Oui. Notre sort est désormais collectif. Moi je suis politisé. Je m’engage à participer à ouvrir des « portes » jusque là jamais ouvertes, pour mon pays et pour tous les autres. Tu me comprends, Papa ?

Le Père : Oui, parfaitement, fiston ! D’autres l’ont essayé avant toi.

Le Fils : Ah! D’autres l’ont essayé avant moi ? Comme qui par exemple ?

Le Père : le Professeur Cheikh Anta Diop, l’avocat Nelson Mandela, le Général Charles De Gaulles et tant d’autres

Le Fils : Oh! Je les admirerai de toute ma vie.

Le Père : Ceux d’entre eux qui ont réussi, peut-être ?

Le Fils : Ils ont tous réussi car ils ont tous essayé !

Le Père : Bon courage, fiston !

Le Fils : Merci, papa !

Le Père : Opp ! J’allais oublier de te demander une question. Tu iras voter à la prochaine élection ?

Le Fils : Bien sûr, Papa ! J’irai m’inscrire pour avoir ma carte. Et je voterai comme tout le monde, car j’ai mon mot à dire.

Le Père : Ah oui ! Comme tout le monde !

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